Le califat autoproclamé ouvre des hôpitaux, construit de
nouvelles routes, lance des services de bus, réhabilite des écoles... Et
c'est une mauvaise nouvelle.
L'intensification de la
campagne de frappes aériennes de l'administration Obama contre l'Etat
islamique se heurte à une nouvelle réalité décourageante: les militants
sont devenus aussi bons dans la gouvernance de territoire qu'ils le sont
dans la conquête, ce qui complique considérablement la tâche des
Américains, à savoir les déloger des zones de la Syrie et de l'Irak
qu'ils contrôlent désormais.
Des responsables du renseignement américain affirment que les
dirigeants de l'Etat islamique adoptent des méthodes inventées par le
Hezbollah, la milice chiite basée au Liban, et consacrent des ressources
humaines et financières considérables au bon fonctionnement de services
essentiels comme l'électricité, l'eau ou encore le traitement des eaux
usées sur leur territoire. A certains endroits, ils font même office de
postiers.
Les militants ont construit de nouveaux systèmes de justice pour
appliquer leur interprétation sévère de la charia, qui réserve
l'amputation des mains aux voleurs et qui a condamné à mort de nombreux
chrétiens et membres d'autres minorités religieuses à cause de leurs
croyances, ajoutent ces responsables.
Dans le même temps, l'Etat islamique a, dans la plupart des cas,
permis aux bureaucrates locaux en charge des hôpitaux, de la police, du
ramassage des ordures ou d'autres services municipaux de garder leurs
emplois, selon des sources au sein du renseignement. A certains
endroits, les maires et d'autre élus locaux sont restés en poste.
«Le groupe terroriste le plus dangereux et le mieux financé du monde»
Ces mesures soulignent le fait que l'Etat islamique, qui est déjà le
groupe terroriste le mieux armé et le mieux financé du monde, s'adapte
rapidement aux défis associés au règne et à la gouvernance sur un
territoire. Cela réduit radicalement les chances pour que les
extrémistes soient confrontés à une opposition de l'intérieur dans ce
qui constitue de fait le plus jeune territoire du monde.
«L'EIIL est le groupe terroriste le plus
dangereux de la planète parce qu'il détient les capacités de combat
d'al-Qaida et les capacités administratives du Hezbollah, estime
David Kilcullen, un expert en contre-insurrection qui a travaillé
plusieurs années comme haut conseiller du général David Petraeus pendant
la guerre en Irak. Il est clair qu'ils ont comme objectif de créer un Etat et qu'ils comprennent l'importance d'une gouvernance efficace.»
Dans certains zones qu'il contrôle, l'Etat islamique ouvre des
hôpitaux, construit de nouvelles routes, lance des services de bus,
réhabilite des écoles (du moins pour les garçons) et lance des
programmes de PME dans le but de relancer les économies locales.
En Syrie, où le pain est un aliment de base, les militant se
concentrent sur la gestion des moulins à blé et des boulangeries locales
pour s'assurer que les provisions restent suffisantes pour nourrir une
population qui était au bord de la famine dans certaines zones.
Un «Etat respecté»
L'intérêt du groupe pour la bonne gouvernance (en tous cas quand on
le compare aux standards habituels des groupes de militants) vient d'en
haut. Lors de son premier discours après la conquête de Mossoul, le
calife autoproclamé de l'Etat islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, a appelé «les
scientifiques, les savants, les prédicateurs, les juges, les docteurs,
les ingénieurs et les personnes ayant de l'expertise militaire ou
administrative» à aider à gouverner le territoire sous contrôle du groupe.
Et ce n'étaient pas que des paroles en l'air: peu après avoir pris le
contrôle de Mossoul, Baghdadi a y transféré l'administrateur
hospitalier de l'Etat islamique de la ville syrienne de Racca, précise
Kilcullen.
A Racca, qui est contrôlé par l'Etat islamique depuis des mois, les
agents de la circulation sont à l'œuvre dans les rues et les citoyens
locaux paient des taxes aux militants, qui leur donnent des reçus
tamponnés avec le logo du groupe. Un orfèvre local a déclaré
au New York Times que les impôts sont bien moins élevés que les
pots-de-vin que les habitants devaient payer quand Bachar al-Assad était
encore aux commandes. «J'ai l'impression d'avoir à faire à un Etat respecté, pas à des voyous», a-t-il déclaré.
L'Etat islamique a également lancé une véritable campagne de
séduction. Le groupe a organisé une «journée de l'amusement» à Mossoul,
où les militants ont distribué des ballons de football et ont organisé
des concours de mémorisation et de récitation du Coran. L'Etat islamique
«pense comme un Etat», analyse Kilcullen.
Source : http://www.slate.fr/story/91153/etat-islamique-gouverner-pays-gestion
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