Un crucifix dans un tribunal à Munich
À quelques jours du scrutin, le débat autour des élections
européennes s'est enfin animé en Allemagne cette semaine, d'une façon
plutôt inattendue. Car les partis politiques allemands ne se passionnent
ni pour le traité transatlantique ni pour le sort des demandeurs
d'asile au sein de l'UE, mais pour la laïcité.
Un débat totalement hors-sujet vis-à-vis des enjeux de ce scrutin,
déclenché par une intervention du président du Parlement européen Martin
Schulz, candidat des sociaux-démocrates européens à la tête de la
Commission. Invité à un débat télévisé la semaine passée, il s'est prononcé pour une interdiction des symboles religieux dans les lieux publics en Europe –bien que cette compétence relève des États membres–, ajoutant qu'il voyait se profiler le risque d'un «retour d'un mouvement très conservateur» en Europe.
Dans un pays non-laïque comme l'Allemagne, où il existe un impôt cultuel, où les fêtes religieuses sont accompagnées d'une interdiction de danser dans les Länder particulièrement conservateurs
et où il a fallu attendre 1995 et une décision de la Cour de Karlsruhe
pour voir les crucifix disparaître des salles de classes, c'est une
proposition plutôt audacieuse. Et pour les chrétiens démocrates, un
affront.
Sortis de leur torpeur, plusieurs responsables de la CDU/CSU ont donc
tiré à boulets rouges sur Martin Schulz. Pour Gerda Hasselfeldt, la
représentante de la CSU au Bundestag, c'est l'occasion de relancer le
vieux débat sur l'identité européenne:
«Celui qui veut bannir les symboles religieux de l'espace public en Europe renie l'identité de l'Europe. L'Europe est et reste un continent aux racines judéo-chrétiennes. Cela façonne l'identité européenne de manière déterminante.»
Parce que, selon lui, Martin Schulz «stigmatise les symboles chrétiens», le secrétaire général de la CSU Andreas Scheuer l'accuse même d'être «un danger pour la tolérance religieuse en Europe.»
L'avalanche de réactions suscitée par les propos du candidat du SPD
dans le camp adverse peine à cacher le vide de cette campagne. Pour le
journaliste politique Thomas Sebastian Vitzthum, cette polémique est du bain béni pour l'Union démocrate chrétienne, qui espère ainsi convaincre ses électeurs de venir aux urnes:
«L'Union tient un sujet qui lui permet de se détacher nettement du SPD. Un sujet qui est plus facile à transmettre aux citoyens que ne le serait la problématique d'une politique sociale européenne ou d'un fonds d'amortissement européen de la dette.»
Un avis que partage l'éditorialiste Katharina Schuler sur le site internet de Die Zeit, dans un article moqueur intitulé «L'Union joue la carte de la campagne du crucifix»:
«Il semble que la campagne aurait fini par trouver un sujet émotionnel qui pourrait possiblement avoir un effet mobilisateur. Car il n'y a rien que les partis de l'Union [la CDU et la CSU, NDLR] craignent plus que de voir leurs électeurs n'aller tout simplement pas voter.»
Source : http://www.slate.fr/monde/87311/europeennes-allemagne-debat-signes-religieux
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