Plus lent que Charles Darwin,
tu meurs... Voilà vingt ans qu'il est revenu de sa virée aux Galapagos
où il a observé ses petits pinsons multicolores qui lui ont permis
d'élaborer la théorie de la sélection naturelle. Et que j'en discute
avec mes amis et que je te trouve d'autres preuves. Il pinaille sur
tout. C'est Renaud van Ruymbeke enquêtant dans l'affaire des frégates de Taïwan... Et pour écrire, mon Dieu, c'est Proust
en personne. Bref, il traîne tellement qu'un jeune naturaliste lui
coupe l'herbe sous le pied. Le 18 juin 1858, Charles Darwin reçoit par
la poste un gros paquet venant de Bornéo expédié par Alfred Russel
Wallace, 35 ans, naturaliste, géographe, explorateur, anthropologue et
biologiste britannique. À l'intérieur, un manuscrit exposant "sa"
théorie de la sélection ! Enfer et damnation.
Wallace n'est
pas un inconnu pour Darwin. Depuis plusieurs mois, les deux hommes
correspondent au sujet de l'évolution et de la sélection naturelle.
C'est un malin. Il est arrivé à la même conclusion que le vieux
naturaliste quant à l'engendrement des espèces. Seulement Wallace
n'utilise pas l'expression "sélection naturelle" et en attribue
l'existence aux pressions environnementales, tandis que Darwin en fait
porter la responsabilité à une compétition entre les individus d'une
même espèce. La différence est infime.
Wallace a mis toutes
ses idées dans l'ouvrage qu'il envoie à son maître pour adoubement.
Mais, en même temps, il lui coupe l'herbe sous les pieds. Pour achever
l'énorme ouvrage qu'il a entamé, Charles Darwin a besoin encore de
plusieurs années. Que doit-il faire du manuscrit de Wallace ? Le jeter
dans un puits ? L'envoyer à Cahuzac pour méditer sur la sélection des
tricheurs ? Non, Darwin ne pratique pas le darwinisme à la maison. Même
si le jeune naturaliste ne lui demande pas expressément de le publier,
il s'en sent le devoir moral. Alain Minc lui passe un coup de fil pour
le mettre en garde contre le plagiat...
Idée révolutionnaire
Comme
Darwin est occupé à soigner son plus jeune fils atteint de scarlatine,
il charge son ami le géologue britannique Charles Lyell de faire le
nécessaire pour publier les travaux de Wallace. "Je n'aurais pas pu
faire meilleur résumé !" lui écrit-il. Finalement, Lyell prend la
décision de présenter les travaux de Wallace à la Linnean Society of
London sous le titre Sur la tendance des espèces à former des variétés
et sur la perpétuation des variétés et des espèces par les moyens
naturels de la sélection. Lyell fait également publier le manuscrit,
mais accompagné d'écrits inédits et anciens de Darwin pour marquer son
antériorité. Rusé.
Pour autant, les partisans de Darwin lui
font comprendre qu'il faut passer au braquet supérieur, accélérer son
travail de rédaction. Darwin abandonne donc sa grande oeuvre pour en
rédiger une sorte de Reader's Digest. La rédaction de ce "résumé" lui
prend quand même treize mois d'un travail acharné, d'autant que la santé
du grand naturaliste est chancelante. Le 22 novembre 1859, l'ouvrage
fondateur est enfin publié : Sur l'origine des espèces au moyen de la
sélection naturelle, ou la préservation des races les meilleures dans
la lutte pour la vie. Pour le grand public, la théorie de la
sélection naturelle reste associée à Darwin. Mais Alfred Wallace ne s'en
formalise pas. Il sait qu'il ne possède pas la carrure suffisante pour
porter sur ses seules épaules cette idée révolutionnaire bousculant les
fondements de la religion. Darwin et lui resteront amis à jamais.
Source : http://www.lepoint.fr/c-est-arrive-aujourd-hui/18-juin-1858-le-jeune-naturaliste-wallace-souffle-la-theorie-de-l-evolution-a-darwin-18-06-2012-1474635_494.php#xtor=CS1-31
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